L’œil magique Nerval en Egypte (2)

Samedi 12 Octobre 2019-00:00:00
' Ayman Elghandour

Nerval nous fait voir le retour des pèlerins de la Mecque où les chameaux sont fortement présents. Observant l'arrivée de la procession, il présente "les longues files de dromadaires attachés l'un derrière l'autre, et montés par des Bédouins aux longs fusils". Il a pu esquisser un tableau pittoresque et oriental dont les composantes sont: des Maghrébins, des derviches enthousiastes et fanatiques, des drapeaux polychromes, des chameaux portant les palanquins des femmes, des chevaux garnis d'ornements. A tous ces éléments visuels qui animent vivement la fête, s'ajoutent d'autres auditifs. Nous entendons les hymnes et la récitation des versets coraniques. De plus, il a décidé de s'intégrer à la masse; il a demandé au barbier de lui raser la barbe et le crâne à la mode orientale. Il a de même renoncé aux habits français, portant une culotte bleue, un gilet rouge et un tarbouche. Il s'est lancé dans la ville qui avait pris un aspect merveilleux, se dirigeant vers la place de l'Ezbekieh illuminée par les minarets. Ceci lui a permis de bien décrire la vie des Cairotes, d'écouter les paroles jetées au hasard et de saisir les spectacles inattendus. C'est pourquoi, "son récit donne l'impression d'un reportage personnel sur son séjour au Caire".

Nervalnous conduit à une autre cérémonie, il s'agit d'un mariage. Le bruit l'a éveillé et il a aperçu par la fenêtre un cortège de femmes, d'enfants portant des bougies brillantes et d'hommes semi-nus, semblables aux combattants. Curieux, il a décidé de suivre la cérémonie. Il s'est mêlé à la foule et a vu le mari "descendu de son âne". Cette cérémonie a permis à Nerval de pénétrer dans une maison cairote où il a pu voir les visages des femmes qui avaient l'habitude de porter des voiles descendant de la tête jusqu'aux pieds. Dans cette ville, "la beauté se cache derrière un voile plus épais partout ailleurs en Orient". Il a de même observé le visage de la nouvelle épouse qu'il a déjà vue dans le cortège, ressemblant à un fantôme rouge, voyant tout sans être vue. Cette aventure a poussé Gautier à annoncer que Nerval a su éviter l'enthousiasme banal et les descriptions "d'or et d'argent plaquées" des touristes vulgaires. Il nous a introduits dans la vie même de l'Orient, si hermétiquement murée pour le voyageur rapide.